Accompagnement
Ferme du Pleychou
Elevage de vaches et de chèvres, production et vente de fromages
Ariège, 2023
Contexte
Les deux paysans de la Ferme du Pleychou ont été formé.es par Picojoule puis ont auto-construit leur installation de biogaz. Il et elle occupent une exploitation de 15 ha et mènent une activité de production fromagère avec une vingtaine de chèvres et 6 vaches. Iels fabriquent du reblochon, de la tomme ainsi que du fromage frais tout au long de l’année et le vendent sur le marché. En parallèle de cette activité rémunératrice, iels font du maraîchage pour leur propre consommation et élèvent deux cochons et des poules pour traiter les restes de maraîchage et alimentaire. Enfin, comme aide à leurs activités, iels ont 4 chevaux de tractage. Toutes leurs bêtes sont laissées libres sur la parcelle.
Leur consommation énergétique (cuisine personnelle et transformation en fromagerie) s'élevait à 5 bouteilles de butane et à peine 200L de gazoil par an (pour les usages occasionnels du tracteur). Il et elle consomment aussi beaucoup de bois pour chauffer l’eau et la maison. Durant les beaux jours, il et elle peuvent compter sur leur chauffe-eau solaire.
Dans un souci de sobriété énergétique et de valorisation de biodéchets dont il et elle disposent en grande quantité, iels ont souhaité mettre en place un méthaniseur chez eux. Iels ont vu que c’était possible en visitant l’installation des Jardins de Sandrine, un atelier de transformation de pommes utilisant presque uniquement du biogaz à l’aide d’un digesteur Puxin. C’est comme cela qu'il et elle ont pris connaissance de Picojoule qui avait accompagné les Jardins de Sandrine sur une partie de leur installation.
Les objectifs des éleveur.ses fromager.es de la Ferme du Pleychou était de pouvoir installer un méthaniseur continu adapté au volume de matière disponible sur place (60kg de bouse de vache par jour), de répondre aux besoins énergétiques de leur consommation personnelle et de la transformation fromagère (hormis la transformation alimentaire de leurs aliments de maraîchage), que la gestion de celui-ci n'ajoute pas trop de travail quotidien et de rester proche de 1000 euros d'investissement financier. La construction du méthaniseur a commencé en janvier 2023 et s'est terminée en mars 2023, avec la nécessité d’une amélioration continu et la résolution de problèmes observés entre mars et août. La méthanisation a cependant bien démarré sans accroc fin mars 2023 et le biodigesteur produit désormais en continu.
Retour d'expériences
La cuve
Méthaniseur de 2,5m3 réalisé à partir d’une cuve de gazoil récupérée et vidangée. La toxicité du gazoil pour le processus biologique de la méthanisation n’a pas posé de problème. En effet, la simple vidange et le remplissage par du biodéchet facilement fermentiscible tel que de la bouse de vache a permit un démarrage facile de la méthanisation au bout de 10-15 jours.
Le chauffage / l'isolation
Le chauffage de la cuve est fourni par un serpentin d’eau chaude. L’eau dans le serpentin est chauffée durant tout l’hiver par le poêle à bois qui sert à chauffer l’eau sanitaire. La température du digesteur durant l’hiver monte facilement au dessus de 30°C et l’isolation permet de réduire les variations de température de plus de 2°C par jour et de perdre trop de chaleur. L’été, l’eau dans le serpentin est chauffée par le chauffe-eau solaire mais il est plus difficile de maintenir le digesteur à une température aussi élevée qu’en hiver. Durant l’été, la température varie autour de 25°C. Aucune problématique n'a été relevée sur ce sujet.
Le remplissage
L’alimentation du digesteur a posé problème car il a d'abord été imaginé qu'un biodéchet très pâteux et liquide comme la bouse de vache mélangée à de l’eau versée dans une simple bouche d’alimentation en hauteur avec un entonnoir, fonctionnant avec la gravité suffirait. Malheureusement, le diamètre des tuyaux s'est rapidement avéré trop petit, la bouse de vache à l’entrée ou séchée dans les canalisations séchée pouvait créer des bouchons. Il a ensuite été observé que la tâche d’alimentation (soulever un sceau de 10kg) quotidienne était laborieuse. La solution retenue était de baisser la fréquence d’alimentation et d'ajouter une pompe pour aspirer la bouse diluée et l’envoyer dans le digesteur. Cette solution est plutôt robuste. Il faut néanmoins prendre soin de vérifier qu’il n’y a pas de morceaux durs dans le mélange eau-bouse qui pourrait détériorer la pompe ou obstruer les canalisations (comme de la paille par exemple).
La recirculation pour le brassage
Sur le même fonctionnement que pour l'alimentation, la pompe choisit par le paysan pour brasser le contenu du biodigesteur a provoqué quelques difficultés : la première pompe s’encrassait et se bouchait régulièrement, le diamètre des tuyaux en entrée et en sortie de cette même pompe étaient bien trop petits. Il a donc opté pour une autre pompe sanibroyeur qui semble plus robuste, possédant des tuyaux plus larges (40-50 mm).
Compression du biogaz
C’est sur la compression qu’il a été relevé les plus grosses difficultés. I a d'abord été décidé de prendre un compresseur modifié par Picojoule et de comprimer le gaz en sortie dans une citerne sous pression. Les éleveur.ses fromager.es ont donc acheté une première citerne de 500L. Au niveau du compresseur, aucun problème de fuite n'apparaissait et ce dernier montait jusque 20 bars. Un mois après, il ne fonctionnait plus. Il et elle en ont monté un deuxième à partir d'un compresseur de frigo sur lequel on pouvait de nouveau observer des défaillances. Un gros volume de stockage avait été prévu (1000L) alors que seulement 300L était disponible. Une solution a ensuite été trouvée afin d'éviter de perdre le gaz produit et le relâcher dans l'atmosphère : il était possible de comprimer à l’aide d’un compresseur à air. Picojoule avait connaissance de cette possibilité, mais l'avait rapidement abandonnée car une part importante de biogaz (estimée à 30%) est relachée dans l’atmosphère. Nous conseillons donc d'utiliser cette solution comme ultime recours pour libérer la pression dans le volume de stockage, si aucun autre moyen de compression du biogaz ou d'utilisation sur une gazinière n'est possible.
Enfin, un dernier compresseur a été fabriqué, il est en fonctionnement depuis aout 2023. Cette fois, une purge d’eau a été ajoutée en entrée et en sortie du compresseur de frigo. Dans une installation de biogaz comme celle de Picojoule, il est primordial d’ajouter ces purges car nous utilisons toujours des compresseurs de frigo qui fonctionnent à l’huile. Si de l’eau réussit à parvenir jusqu’au compresseur, en se mélangeant avec l’huile, cela créé une émulsion et dé-lubrifie les pièces mécaniques du compresseur, ce qui peut le rendre rapidement défaillant.
Stockage en citerne
Une deuxième citerne de 1000L a été ajoutée sur l’exploitation. Le volume total sous pression est de 1500L avec un pressostat de sécurité fixé à 11 bars. Ainsi, lorsque les citernes sont pleines de biogaz, la production est estimée à 16m3, ce qui équivaut approximativement à 100kWh. En comparaison, une bouteille de butane de 13kg a une énergie de 178kWh. C’est donc beaucoup de moyens pour réussir à stocker cette quantité d’énergie mais il faut garder à l’esprit que ces 16m3 sont produit en 16 jours seulement, et en récupérant 8 fois la bouse fraîche d’une seule vache. Si on extrapole ce résultat sur l’année, l’installation aurait un potentiel de production de biogaz de 365m3, soit 2,2MWh.
Fonctionnement actuel, après 1 an de mise en route
Aujourd’hui, l’installation fonctionne convenablement. Comme déjà énoncé, la production quotidienne est de 1000L. Les citernes de biogaz sont bien remplies et les éleveur.ses peuvent se reposer uniquement sur leur biogaz pour leur activité fromagère et leur cuisson personnelel. Cependant, il n’y a pas encore suffisamment de biogaz pour leur dernier besoin de transformation alimentaire de légumes de maraîchage en bocaux. Ce serait la prochaine amélioration souhaitée pour être autonome grâce au biogaz et se passer du butane. Pour alimenter le biodigesteur, il et elle ne récupèrent que la bouse d’une seule vache un jour sur deux (ce qui équivaut à environ 10kg de bouse fraîche par jour). De plus, il ne retire pas l’amendement de ses vaches car il laisse les bouses des 5 autres vaches composter avec de la paille et laisse aussi les 6 vaches en pâturage en journée.
Rentabilité du projet
Ici on ne chiffre que les bénéfices financiers, même s’il y a bien plus de facteurs qui encouragent à l’installation d’une unité de biogaz et justifient la rentabilité de cette opération. En effet, on a énuméré l’envie d’autonomie énergétique, les arguments écologiques, la production de fertilisant biosourcé et la sobriété. A la fin de l’installation, le prix pour l’installation est de 1850€. Pour la mettre en route, il a fallut un temps de travail considérable : une semaine de formation et de nombreux chantiers. On peut compter facilement 1 mois à temps plein pour l’installation. Heureusement qu'il et elle n'étaient pas seul.es, ce qui leur a permis de couvrir le temps investit dans le projet. On ne va donc pas compter tout ce temps car l’activité de l’exploitation n’a pas été arrêtée. Par contre, en fonctionnement normal, l’installation demande bien 4h de travail supplémentaire dans la semaine (tout ce temps est lié à la gestion du digestat, qui n’était pas là avant l’arrivée de l’installation). Ainsi, cette installation permet d’éviter l’achat et la consommation de 5 bouteilles de butane par an. Le prix hors consigne d’une bouteille est de 37,5€. Cela économise donc 187,5€ par an, et la rentabilité serait atteinte au bout de 10 ans sans investissement supplémentaire. Sur ces 10 ans, il convient de compter que cela ajoute une charge de 2000h de travail pour atteindre cette rentabilité.
Biodigesteur de 2,5m3 sous une couche d'isolant
Bouche d'alimentation
Première pompe de recirculation mal adaptée
Citerne de biogaz de 500L et compresseur avec purge à eau
Compresseur à air de secours
Les 1500L de stockage total
Mélange de la bouse avec l'eau